ART3, Valence
2022
Au fil de l’image
Je documente régulièrement ce que j’observe dans les usines que je visite. Je prends une photo pour retenir ce que je vois quand je pénètre dans un atelier de travail, une salle après l’autre. Il y a l’espace, la lumière, les machines, les productions. Mais aucune présence humaine. Ces photos sont pour moi des relevés. Elles ne sont pas de bonne qualité, mais je sais dans quel atelier textile chacune a été prise, et ce qu’elle représente. Je ne connais pas avec précision les outils de travail en place, leur mécanique, ce qui m’intéresse c’est le lieu dans son vécu, son intériorité. Ce sont ses traces, ses empreintes, ses vestiges qui vont constituer le matériau de ma recherche.
Quand je passe au dessin, c’est pour prolonger la remémoration des lieux. Il s’agit quelque part d’un exercice de mémoire. Je suis un fil conducteur, une méthode pour actualiser les traces. Avec le temps, ma pratique du dessin est devenue entièrement numérique. Dessiner me permet de rester longtemps avec l’image, dans l’image. J’organise l’ensemble en une sorte de galerie imaginaire, pour pouvoir rester le plus longtemps possible dans la mémoire des lieux. C’est une façon de prolonger ce lieu, de m’y retrouver. Mon travail consiste à retenir l’image, en occultant certaines zones . Ce qui est mis en réserve, sous forme d’aplats noirs, ce sont des zones enfouies. Le reste de l’image se dessine selon un fil conducteur qui redéfinit point par point des contours, ce qui donne lieu à une sorte de vision intérieure. Chaque image, ordonnée, disposée dans son intériorité initiale, trame son propre schéma, la représentation mentale d’un lieu.
Par un travail de reconstitution, ces images, comme des salles, sont autant d’espaces de mémoire. Une mémoire qui se cherche. Imprimer ces lieux, ces images, c’est faire de tous ces espaces intérieurs un lieu à soi.
Toutes les prises de vues sont de Phoebe Meyer