(série C’EST BEAU DEHORS)
Plexiglas
180 × 980 × 80 cm
La sculpture Leica a été construite pour mon exposition intitulée « C’est beau dehors » à la galerie cent8, à Paris, en 2004. La configuration de l’espace des salles, en enfilade plutôt longue et étroite, contraignait le spectateur à un parcours en boucle. Les nouvelles pièces présentées ici activaient le principe d’aller-retour depuis le point de départ. Mais son projet est issu d’un séjour dans une chambre d’hôtel à Londres en 2002, juste après la visite de la Swiss Cottage Library dessinée par l’architecte sir Basil Spence en 1962-1964. À la proue du bâtiment, l’entrée de la bibliothèque est soutenue par six piliers visibles de la rue. L’un d’eux s’enfonce au centre d’un cylindre en béton, autour de l’escalier en spirale, sans l’effleurer : on a l’impression que la bibliothèque s’enchâsse dans l’escalier. Il s’agissait de concevoir une œuvre permanente en réponse à l’escalier aujourd’hui fermé au public pour cause de réaménagement complet du site. Je voyais l’escalier comme un objet indépendant, qui n’avait plus d’utilité au sens pratique ; il était néanmoins nécessaire car il révélait l’existence d’un sous-sol. Dans tous les bâtiments publics, des panneaux signalant les sorties de secours sont fixés au-dessus des portes pour inciter les usagers à fuir par ces voies en cas de danger imminent. J’avais choisi d’actionner ce motif enfermé dans un cylindre en verre pour réactiver l’escalier.
La sculpture Leica est constituée de cinq pans en Plexiglas sans ouvertures ; au sol, une cornière en constitue la base. C’est un grand capot lisse et brillant de 9,80 m de long par 1,80 m de haut et 80 cm de profondeur, construit avec des panneaux transparents aux deux extrémités arrondies. Son montage est apparent, les vis plongent dans la matière sans quincaillerie ajoutée ; le pas de vis est creusé directement dans le Plexiglas. Un film adhésif cristal vert jade est appliqué sur toutes les faces. Au niveau du quatrième panneau, sur l’une des deux faces, le film adhésif reproduit le signal d’une sortie de secours agrandi à l’échelle de la sculpture. Une figure humaine qui court se découpe en vert au centre du cadre d’une porte ouverte figurée ici par l’absence du film vert qui recouvre toutes les autres parties du capot, de sorte que l’on peut apercevoir la couleur réelle du sol de la salle sur laquelle est posée la sculpture.
Sa forme, les matériaux qui la composent, son assemblage sont simplifiés volontairement, de sorte que la lecture soit aussi rapide que le pictogramme le suggère.
La sculpture ne nous renvoie pas seulement à l’architecture : le sol sur lequel nous marchons sur son pourtour évoque le long corridor à l’intérieur duquel nous pourrions marcher s’il était accessible. Il ne s’agit pas d’une boîte, mais d’un capot posé sur le sol. On peut s’y projeter intimement. Le pictogramme associé à la forme dynamique inspirée de l’appareil photo légendaire reflète l’environnement extérieur en même temps que notre propre image. La clôture totale de la pièce et sa transparence contrastent avec l’espace mat et concret du réel.
La sculpture est un obstacle que l’on ne peut franchir. C’est un objet mental résistant à l’espace politique, celui de l’extérieur dont elle renvoie un écho lointain. Cette sculpture est le résultat le plus sensible de toute une série de pièces mettant en lien l’espace physique réel avec l’espace abstrait et plus mental présent dans mon travail depuis le début.
The sculpture Leica was built for my exhibition ‘C’est beau dehors’ at the cent8 gallery in 2004. The configuration of the space, an enfilade of rather long, narrow rooms, obliges viewers to go round in a loop. Placed at the starting point, the new pieces presented here activated this there-and-back principle. The project originated, however, in a London hotel room where I stayed in 2002, shortly after visiting Swiss Cottage Library, built by the architect Sir Basil Spence in 1962–64. The entrance to the library, at the prow of the building, is supported by six pillars that can be seen from the street. One of them thrusts up into a concrete cylinder, around the spiral staircase, without touching it : it is as if the library is nested in the staircase.
The idea was to create a permanent work in response to this staircase, which is now closed to the public (the site is being completely renovated). I saw the staircase as an independent object, which had no practical use but was nevertheless necessary in that it revealed the existence of a basement area. In all public buildings emergency exit signs are placed above doors to guide users in the eventuality of imminent danger. I decided to use this symbol enclosed in a glass cylinder in order to reactivate the staircase. The sculpture Leica comprises five sides in Plexiglas without any openings. The base is formed by a metal bar. The piece is a big, smooth and shiny cover 9.80 metres long, 1.80 metres high and 80 centimetres deep. It is built with transparent Plexiglas panels and is rounded at its two ends. The construction is visible : screws penetrate the material without any additional fittings, their threads directly penetrating the Plexiglas. Jade green adhesive film was applied to the surfaces. On the fourth panel, on one of the two sides, the adhesive film reproduces an emergency exit symbol blown up to the scale of the sculpture. The running human figure stands out in green in the centre of an open doorway formed by the absence of the green film that covers all the rest of the structure, as a result of which we can see the real colour of the floor that the sculpture is standing on. The form, materials and assembly technique are all deliberately simplified in order to make the work as immediately legible as the pictogram itself.
The sculpture does not speak to us only of architecture : the floor on which we tread as we walk around its edges connects us with the long corridor where we could also walk if it was accessible. This is not a box, but a cover placed on the floor. We can imagine ourselves inside it. The pictogram combined with the dynamic form, inspired by the legendary camera of the title, reflects the surroundings at the same time as its own image. The total closure of the piece and its transparency contrast with the matt, concrete real space. The sculpture is an impassable obstacle. It is a mental object that resists political space, the one outside it of which it offers a distant echo. This sculpture is the most explicit of a series of pieces in which real physical space is reflected by the abstract, more mental space that has been part of my sculpture from the very beginning.
Traduction anglaise : Charles Penwarden