(série VIE PRIVÉE)
Acier inoxydable
Dimensions variables
Les épingles sont les outils dont je me sers habituellement pour faire tenir les minuscules sculptures en papier fabriquées à l’échelle et disposées dans les maquettes que je construis pour préparer une exposition. Celles qui ne me servent pas traînent à l’intérieur de la maquette, sans utilité. Je les laisse en place parce qu’elles signalent ce moment précis de la rêverie qui préfigure de nouvelles sculptures : une promesse d’avenir à épingler.
Le monde extérieur est absent des salles d’exposition du Carré d’art à Nîmes. Au commencement, je visite le lieu et je regarde la situation. Contrairement à la rue, l’architecture intérieure m’inspire rarement une idée, c’est plutôt un plan de travail, large et ouvert, où je veux me sentir libre. Plus importante est la maquette que je fabrique chez moi. Elle se réduit à une construction fragile en carton blanc de la taille d’une table, et je peux tourner autour. Elle occupe une place relativement petite dans mon atelier, d’où j’ai une vue sur un arbre devant la façade d’un immeuble voisin. Cette situation à la maison m’a rappelé celle que j’avais à Berlin, lors d’un séjour récent : ma table de travail était alors placée devant une fenêtre qui donnait sur un arbre, une cour… Si l’inspiration est de l’ordre de l’événement, alors l’homme nu que j’observais de ma fenêtre à Berlin a été pour moi un événement. Il m’a inspiré toute la série de sculptures rassemblées sous le titre Vie privée, à commencer par ces épingles couchées, montrées une première fois au Centre national de la photographie (« Entrée dans la cour », 2000), accompagnées du film Schlüterstrasse (2000). Entre les épingles et le film, j’avais imaginé une salle intermédiaire, une salle entièrement voilée de rideaux suspendus le long des murs. Derrière les voilages, fixés aux murs, une série de miroirs. Les rideaux cernent un espace intérieur, ils renferment, protègent du monde. Se trouvant au centre de la salle, le spectateur cherche au-delà des voilages son propre reflet dans la surface dure et luisante des miroirs. Il est comme étranger à l’instant présent.
De fines et longues épingles en acier inoxydable brillantes sont répandues de manière aléatoire sur un revêtement de sol en bois, d’un gris mat, d’une largeur égale à celle des cimaises, et sur les dalles cirées du musée. J’ai décalé le plancher le long de la cimaise pour qu’il occupe le passage. Un grand nombre d’épingles sont déposées, couchées en vrac le long du plancher comme les bâtonnets, déjà joués, d’un mikado géant ; quelques-unes seulement sont encore disponibles sur le plateau que le visiteur traverse, offertes à une nouvelle partie.
The pins are tools I usually use to hold the tiny paper sculptures made to scale, which I arrange in the models I construct when preparing an exhibition. The ones I have no use for just lie around in the model without a function. I leave them where they are because they mark that specific moment of daydreaming that foreshadows further sculptures : the promise of a future to pin down.
The outside world is absent from the Carré d’Art exhibition rooms. I start by visiting the place and I look at its exposure. Unlike the street, the interior architecture seldom inspires me with ideas – it is more of a big, open work surface where I need to feel I have a free hand. The scale model I make at home is more important. It is no more than a frail table-sized white cardboard construction I can walk around. It takes up relatively little space in my studio, from which I can see out onto a tree in front of a nearby building. This situation at home reminds me of what it was like during a recent stay in Berlin, when my worktable was in front of a window that gave onto a tree, a yard. If inspiration has anything to do with an event, then for me the naked man I watched from my window in Berlin was an event. He inspired the whole series of sculptures under the collective title Vie privée, beginning with these pins laid out and shown for the first time at the Centre National de la Photographie (‘Entrée dans la cour’, 2000), along with the film Schlüterstrasse (2000). Between the pins and the film I devised an intermediate room, entirely draped in net curtains hung along the walls. Behind these net curtains there was a series of mirrors mounted on the walls. Placed in the middle of the room, viewers looked for their reflection beyond the net curtains in the shiny hard surface of the mirrors, as if they were strangers to the present moment.
Long, thin shiny stainless-steel pins are randomly scattered over a matt grey wooden floor of the same width as the picture rails and on the wax-polished museum floor titles. I moved the floor back along the picture rail so that it would occupy the passage. A large number of pins are laid out in a jumble along the floor like already played pieces in a huge game of pick-up sticks. Just a few of them are left on the platform that visitors cross, ready for another game.
Traduction anglaise : Charles Penwarden